Réaction à la publication du plan Besson "France Numérique 2012"

2008-10-22

Le plan “France numérique 2012” présenté hier par Eric Besson fait l’impasse sur le secteur du logiciel. Seules 3 mesures sur 154 concernent le secteur du logiciel (hors jeu vidéo), et ne répondent pas de manière significative aux attentes du secteur. En particulier, on ne peut que déplorer l’impasse qui a été faite sur les propositions du rapport Attali en faveur du logiciel libre.

C’est d’autant plus regrettable que le plan note que “le logiciel libre représente un potentiel économique et industriel considérable” et que “la France dispose dans ce domaine d’atouts reconnus aux niveaux européen et international” (notons que plusieurs cabinets d’analyse américains ont noté cet été que la France était “championne du monde” dans ce secteur).

Détaillons les trois mesures concernant le logiciel dans le Plan Besson:

  • L’action 63, “Créer un réseau “Logiciel” de correspondants dans au moins dix villes clés de l’industrie du logiciel, en parallèle du réseau “TIC” d’Ubifrance” vise, et c’est un objectif légitime, à favoriser la capacité d’exportation des éditeurs de logiciels français. Néanmoins, elle reste à un niveau relativement symbolique, et l’on peut même s’interroger sur l’intérêt d’avoir un réseau “logiciel” séparé du réseau “TIC”, tant les acteurs de l’informatique (éditeurs et sociétés de services, notamment) constituent un écosystème qui doit travailler de concert pour gagner des parts de marchés.

  • Les actions 64 et 65, “Promouvoir un affichage séparé des prix des logiciels et systèmes d’exploitation pré-installés” et “Permettre la vente découplée de l’ordinateur et de son logiciel d’exploitation”, sont des revendications de longue date du groupe “Détaxe Windows” lancé par Roberto Di Cosmo en 1998, et plus généralement de la communauté du logiciel libre et de ses principales associations. Elles permettront d’accélérer la diffusion de systèmes d’exploitation libres comme Linux auprès d’un public de connaisseurs, sans avoir cependant d’impact significatif sur le grand public qui lui découvrira plutôt Linux et l’univers des logiciels libres grand public via les Netbook.

Surtout, ces deux dernières mesures ne concernent qu’un domaine spécifique du logiciel, celui des systèmes d’exploitation, et n’aident en rien les éditeurs de logiciels applicatifs, qui réalisent pourtant l’essentiel du chiffre d’affaires du secteur.

En tant que fondateur d’un des deux leaders français de l’édition de logiciels libres, je suis donc déçu par le plan présenté par M. Besson, et je m’associe aux différentes demandes des organisations représentatives du secteur pour que des mesures plus spécifiques, en faveur du secteur du logiciel en général et du logiciel libre en particulier, soient annoncées rapidement. Des recommandations d’achats claires en direction de l’administration, exigeant le respect de véritables standards ouverts et interopérables, et favorisant les logiciels libres à qualité et coût égal à leurs équivalents propriétaires, font ainsi partie des mesures que le gouvernement devrait prendre en priorité.

Je note enfin que dans le contexte de crise économique actuel, le logiciel libre constitue une réponse économiquement pertinente aux réductions de budgets qui menacent les services informatiques dans les entreprises et les administrations, qui pourront ainsi poursuivre leurs investissements en faveur de la réactivité et de la productivité. Face à la crise qui est son soucis principal actuellement, le Gouvernement ne pourra que reconnaître les atouts du logiciel libre dans ce contexte et prendre les mesures naturelles qui assureront la meilleure compétitivité possible aux entreprises françaises.