L'hebdomadaire "Le Point" (n°1352 du 15 août, 20 F) consacre, dans sa
rubrique "Portrait" de sa section "Economie", deux pages à Linus
Torvalds, "Linus Torvalds, l'anti-Bill Gates". L'article signé Olivier
Bruzek comporte un encadré "Repères" avec 5 dates de la vie de Torvalds
ainsi qu'une photo de lui (lunettes rondes, sweat-shirt rouge avec des
personnages de dessins animés... et tenant une boite Linux Red Hat - le
"R" de Red n'est pas visible, mais on devine facilement!).
Après l'article du Nouvel Observateur du 18 juin [et ceux de Libération, ed.], c'est le second
article grand public qui s'intéresse à Linux ou Torvalds avec une
présentation de certains points :
- gratuité du logiciel qui n'a pas de vrai propriétaire et qui est un
concurrent de Windows;
- le nombre d'utilisateurs est de 7 millions et croit de 20 % par an
[il faudrait corriger ce chiffre qui est probablement de l'ordre de 100
%, ed.];
- début de Linux en août 91 alors que Torvalds est étudiant et décide de
mettre au point un système d'exploitation sans que ce soit très sérieux
selon le mail qu'il envoie alors;
- puissance de Linux qui permet d'avoir la puissance de gros ordinateur
à coût très inférieur : exemple du Los Alamos National Laboratory qui
l'a choisi pour simuler des explosions nucléaires sur ordinateurs;
- les sociétés Corel, Netscape, Informix et Oracle ont décidé de porter
leurs logiciels aussi sous Linux et IBM s'y prépare.
Cependant l'article met de côté certains aspects essentiels de Linux et
commet des erreurs:
- Il n'est encore une fois pas fait mention du code source disponible
pour tous et qui a permis le développement de Linux;
- ce développement est présenté comme étant presque le seul fait de
Torvalds, même si la communauté Linux est citée, mais sans insister
assez clairement sur son rôle essentiel;
- le fait que Linux soit un logiciel libre parmi d'autres, même s'il est
le plus célèbre, n'est pas cité;
- Torvalds est encore une fois présenté comme un demi-dieu régnant sur
une secte, un gourou qui en appelle à la lutte anti-Microsoft;
- l'article laisse entendre qu'il n'y a pas de traitement de texte, de
tableurs sous Linux ce qui ne permet pas d'avoir le statut "grand
public";
- l'article annonce que les sociétés Red Hat et Caldera ont décidé de
commercialiser une version figée de Linux, c'est à dire qu'elles
"proposent à leurs clients une maintenance et un service après-vente qui
n'existait pas jusqu'à présent"!
- l'article ignore qu'il existe des interfaces graphiques sous Linux et
ne cite que les "fenêtres austères du logiciel et les commandes
complexes qui n'invitent pas à la convivialité";
- encore une fois l'analyse s'arrête à l'anti-Bill Gates sans se pencher
sur les dangers économiques, démocratiques et sociaux d'un monopole;
- enfin si la plupart des grands groupes sont intéressés par Linux,
"seul Microsoft fait de la résistance"! Et de citer Jean-Philippe
Courtois, vice-président européen de Microsoft : "Toutes les entreprises
veulent pouvoir compter sur un logiciel bénéficiant d'une garantie et
d'une maintenance."!! La citation est sans doute là pour équilibrer
celles de Torvalds... mais elle est sidérante! Et l'article de traduire
cette magnifique déclaration par "Linux reste un produit pour les
bidouilleurs maîtrisant l'informatique."
Pourtant "Le Point" n°1349 du 25 juillet 98 se faisait l'écho sous la
plume de Jean Guisnel de l'intérêt que l'armée portait à Linux du fait
de sa meilleure sécurité par rapport à Windows grâce au code source...