Nouveau livret bleu sur les fondamentaux juridique du logiciel libre

2016-06-08

Le Groupe Thématique Logiciel Libre (GTLL) vient de publier un "livret bleu" sur les fondamentaux juridiques du logiciel libre. J'ai participé à son élaboration, et j'en ai notamment rédigé la préface, que voici:

Par logiciel libre – et open source, l’insistance sur la distinction ne faisant parfois qu’opacifier le débat – on entend bien des choses selon les contextes et les personnes qui s’y intéressent. Pour certains, c’est un gisement (inépuisable ?) de «briques » logicielles qui accélèrent en entreprise le développement d’applications modernes ou de systèmes complexes ; c’est aussi un mode de collaboration qui a prouvé son efficacité dans le monde du logiciel et qui s’étend depuis dix ans à d’autres secteurs de l’économie et de la société ; c’est un accélérateur de l’émergence et de la diffusion des nouvelles technologies ; c’est encore le fondement de modèles économiques qui ont bousculé le secteur du logiciel. Pour d’autres (et souvent les mêmes), c’est enfin un combat philosophique, voire politique, qui vise à rééquilibrer les pouvoirs entre les créateurs et les utilisateurs d’une technologie de plus en plus omniprésente, voire intrusive.

Quelle est donc la place du droit dans un débat qui semble principalement centré sur la technologie, l’organisation du travail, l’économie et la philosophie?

À l’origine, ce sont des valeurs – liberté, partage, communauté – qui fondent le logiciel libre. Celles-ci, pour être actionnables, doivent être traduites en droit, et ont donné lieu à des principes – les fameuses définitions de la FSF et de l’OSI – puis enfin à des licences qui traduisent concrètement et dans un cadre juridique préexistant les intentions des producteurs de logiciel libre. En posant clairement les droits et devoirs des utilisateurs – et dans ce contexte, on parle tout autant des utilisateurs finaux, que des organisations ou des personnes qui réutilisent les logiciels libres sous forme de composants pour créer de nouveaux logiciels, des systèmes complexes, ou une offre de service – les licences de logiciels libres clarifient et sécurisent les relations entre les membres d’écosystèmes de contribution extrêmement larges, et posent la question de l’équilibre du partage de la valeur.

Depuis plus de 30 ans que les premières licences libres existent, leur domaine d’application s’est considérablement élargi. Confrontées aux nouvelles questions émergeant de l’évolution des technologies (APIs, Web, Cloud, Internet des Objets…), du droit (voir les débats aux États-Unis sur le copyright sur les interfaces utilisateurs ou sur les brevets logiciels), ou de l’économie (nouveaux modèles d’affaires fondés sur le logiciel libre), ces licences ont évolué, et de nouvelles licences sont apparues. À tel point qu’aujourd’hui, leur nombre peut dérouter de prime abord.

Heureusement, elles peuvent facilement être classées en quelques catégories, et celles qui sont d’usage courant sont en nombre relativement restreint – une dizaine. L’application d’un petit nombre de principes, exposés succinctement dans ce livre, permet aux dirigeants mais aussi aux développeurs, chefs de projets et architectes techniques de maîtriser la complexité inhérente à l’assemblage de centaines de composants open source dans le cadre des projets dont ils ont la charge. Les producteurs (aussi appelés éditeurs) de logiciel libre trouveront quant à eux des éléments de décision relatifs au choix des licences de leurs logiciels, en fonction des modes de collaboration et de partage de la valeur qu’ils souhaitent privilégier en aval.

Rappelons en regard que dans le monde du logiciel privatif, encore appelé logiciel propriétaire, il y a autant de licences que d’éditeurs – donc beaucoup plus que de licences libres –, que ces licences imposent, pour la plupart, beaucoup plus de contraintes, et qu’elles ne sont pas guidées par les mêmes principes favorables à la réutilisation et à la collaboration, et à la croissance organique d’un patrimoine logiciel.

L’utilisation – dans tous les sens du terme – de logiciels libres, dès lors qu’elle est maîtrisée, en plus de tous les autres avantages qu’on leur connaît – innovation accélérée, interopérabilité, qualité –, offre aussi un avantage indéniable en termes de simplification juridique pour les entreprises – et donc de maîtrise du risque.

Le document complet (PDF, 40 pages) est téléchargeable ici.