EU Linux

2024-11-18

Dans une pétition récente déposée par un citoyen autrichien, l'Union européenne est appelée à développer et déployer un système d'exploitation open source basé sur Linux, nommé "EU-Linux", dans les administrations publiques de tous les États membres. Cette initiative vise à réduire la dépendance de l'UE aux logiciels propriétaires, comme les produits Microsoft, pour renforcer la conformité au RGPD, la souveraineté numérique et la transparence. En promouvant des alternatives open source telles que LibreOffice et Nextcloud, ainsi que le système mobile E/OS, la pétition souligne le potentiel d'amélioration de la sécurité des données, de l'efficacité économique et de la création d'emplois dans le secteur informatique européen.

Un EU-Linux souverain offrirait de nombreux avantages :

  1. Prêt et flexible : Tirant parti de l'architecture mature et adaptable de Linux, une distribution spécifique à l'UE pourrait être adaptée aux exigences réglementaires particulières.

  2. Efficacité économique : Passer des licences propriétaires coûteuses à l'open source pourrait réduire les dépenses, permettant de réorienter les fonds vers l'innovation et le développement local du secteur informatique.

  3. Sécurité renforcée : En tant que système open source, Linux offre une transparence et une auditabilité permettant aux experts en cybersécurité de l'UE d'identifier et de corriger proactivement les vulnérabilités.

  4. Interopérabilité : La compatibilité de Linux avec les standards ouverts faciliterait la collaboration transfrontalière et le partage de données au sein de l'UE.

  5. Souveraineté numérique et confidentialité : En contrôlant le code du système d'exploitation, l'UE pourrait mieux protéger les données des citoyens, réduisant la dépendance aux systèmes étrangers.

Contexte

"Le pétitionnaire appelle l'Union européenne à développer activement et à mettre en œuvre un système d'exploitation basé sur Linux, appelé 'EU-Linux', dans les administrations publiques de tous les États membres de l'UE. Cette initiative vise à réduire la dépendance aux produits Microsoft, à garantir la conformité au Règlement général sur la protection des données (RGPD) et à promouvoir la transparence, la durabilité et la souveraineté numérique au sein de l'UE. Le pétitionnaire souligne l'importance d'utiliser des alternatives open source à Microsoft 365, telles que LibreOffice et Nextcloud, et propose l'adoption du système d'exploitation mobile E/OS pour les appareils gouvernementaux. Le pétitionnaire met également en avant le potentiel de création d'emplois dans le secteur des technologies de l'information grâce à cette initiative."

Lien vers la pétition : https://www.europarl.europa.eu/petitions/en/petition/content/0729%252F2024/html/Petition-No-0729%252F2024-by-N.-W.-%2528Austrian%2529-on-the-implementation-of-an-EU-Linux-operating-system-in-public-administrations-across-all-EU-countries

Argumentaire

Faisabilité et préparation

Linux est un système d'exploitation mature et polyvalent, déployé dans le monde entier, alimentant des infrastructures variées, des centres de données aux appareils personnels. Son architecture modulaire et sa nature open source offrent une flexibilité unique, permettant une adaptation précise aux exigences réglementaires et opérationnelles des États membres de l'UE. L'écosystème open source autour de Linux accélère la résolution de bugs et le développement de nouvelles fonctionnalités, assurant une plateforme résiliente et en constante évolution. Avec une large gamme de distributions Linux optimisées pour des applications spécifiques, l'UE peut tirer parti de cette diversité pour adopter ou personnaliser une version qui répond aux besoins spécifiques de l'administration publique.

Les distributions modernes de Linux et des outils tiers rendent plus facile la création de versions dérivées et sur mesure pour des besoins spécifiques. Des distributions comme Debian et Ubuntu offrent des outils (ex. Debian Live, Ubuntu Customization Kit) pour des configurations personnalisées, tandis qu’Arch Linux et Gentoo permettent un contrôle précis pour des personnalisations granulaires. Des outils avancés comme le Yocto Project et Linux From Scratch permettent la création de versions spécialisées et minimalistes, idéales pour répondre aux exigences réglementaires ou de performance. Cette flexibilité permet aux administrations publiques de développer des systèmes sûrs et allégés qui respectent strictement les standards de conformité, sans fonctionnalités superflues.

Impact économique

Les avantages financiers de l’adoption de Linux dans les administrations de l’UE sont évidents. En abandonnant les licences propriétaires coûteuses, l’UE pourrait réaliser des économies immédiates, permettant de réorienter les fonds vers l'innovation et l'amélioration. Le modèle open source réduit les coûts de maintenance et assure que chaque État membre peut personnaliser le système sans frais excessifs. En outre, le développement d'une distribution Linux centrée sur l'UE stimulerait l'industrie informatique européenne, créant des emplois et favorisant un marché compétitif de services numériques. Cette initiative d'infrastructure numérique unifiée permettrait une meilleure interopérabilité, simplifiant la collaboration au-delà des frontières nationales et renforçant la cohésion numérique de l’UE.

Références

Sécurité et conformité

Un aspect crucial des infrastructures numériques du secteur public est la sécurité. Contrairement aux systèmes d'exploitation propriétaires, souvent opaques, Linux repose sur une base open source entièrement transparente et auditable. Cette transparence permet aux experts en sécurité d'identifier et de corriger proactivement les vulnérabilités, assurant une plateforme résiliente et adaptable aux menaces cybernétiques évolutives. En réduisant la dépendance aux logiciels propriétaires, l'UE diminuerait également la surface d'attaque, renforçant la cybersécurité globale. De plus, l'architecture de Linux est conforme aux normes de sécurité les plus strictes, ce qui en fait un choix idéal pour les institutions gouvernementales soumises à des exigences de conformité élevées.

Références

Interopérabilité et flexibilité

Linux excelle dans le soutien aux standards ouverts, ce qui est essentiel pour les systèmes d'administration publique qui doivent interagir avec une grande variété de technologies et de services. Sa prise en charge de la virtualisation et des services réseau diversifiés permet une intégration transparente dans les environnements informatiques existants, facilitant la communication et le partage de ressources entre différentes agences gouvernementales de manière sécurisée. Cette interopérabilité favorise un écosystème numérique cohérent au sein de l'UE, améliorant l'efficacité et l’efficacité des collaborations transfrontalières.

Références

Souveraineté numérique et confidentialité

L'adoption de Linux dans les institutions publiques constitue une avancée significative vers la souveraineté numérique, réduisant la dépendance de l'UE aux logiciels propriétaires étrangers, en particulier aux États-Unis et en Chine. En exerçant un contrôle direct sur le code source, l'UE peut garantir les plus hauts niveaux de confidentialité des données et protéger les informations sensibles contre toute interférence étrangère. Linux permet de respecter les normes de confidentialité propres à l'UE, telles que le RGPD, en confiant la propriété des données directement aux citoyens européens, renforçant ainsi la confiance du public dans la gouvernance numérique.

Innovation et éducation

Les systèmes open source comme Linux ne sont pas seulement rentables ; ils constituent aussi des plateformes d'innovation. La mise en œuvre d'un système d'exploitation Linux à l'échelle de l'UE offrirait une base sur laquelle construire de nouvelles applications et services innovants adaptés aux besoins publics. Au-delà des opérations gouvernementales, Linux est largement utilisé dans les institutions éducatives pour enseigner aux étudiants des compétences informatiques essentielles. À mesure que les nouvelles générations se familiarisent avec Linux, l'UE peut former une main-d'œuvre qualifiée et compétente en technologie open source, renforçant la compétitivité numérique de l'Europe.

Une vision au-delà de la simple réduction des risques

Bien qu'il soit essentiel de gérer les risques en matière de cybersécurité, la véritable valeur d'une solution open source comme Linux réside dans l'opportunité de croissance, de collaboration et d'avantage concurrentiel. Les écosystèmes open source encouragent la coopération entre équipes et organisations diverses, favorisant une innovation rapide. En adoptant un écosystème basé sur Linux, l'UE peut offrir des opportunités similaires pour une collaboration numérique entre États membres, permettant à chaque pays de contribuer à un cadre numérique commun tout en l’adaptant à ses besoins locaux.

Un appel à l'action

Soutenir cette pétition n’est pas simplement une question d’adoption d’un système d'exploitation ; c’est un engagement vers un nouveau paradigme de gouvernance numérique pour l’UE – un paradigme qui valorise la souveraineté, la force économique, la transparence et l’innovation. En soutenant EU-Linux, nous ouvrons la voie à un écosystème numérique résilient, économique et ouvert, en phase avec les valeurs et standards européens. Cette initiative représente une opportunité concrète de renforcer l'infrastructure numérique de l'UE, en en faisant un modèle de souveraineté et d'innovation numériques dans un monde globalisé.

Annexe : Chronologie des initiatives de systèmes d’exploitation souverains en France : vision, critique, et opportunités manquées

Ces dernières années, l’urgence d’une souveraineté numérique en France s’est intensifiée, poussée par des initiatives législatives et des débats publics. La vision d’un « OS souverain » reflète l’engagement continu de la France à assurer son autonomie, à protéger les libertés individuelles et à établir un contrôle sur les infrastructures numériques. Bien que noble, cet engagement a souvent été éclipsé par des critiques et du scepticisme. De nombreux détracteurs, y compris des technologues influents et des défenseurs des libertés numériques, auraient pu se concentrer davantage sur les aspects positifs de cette initiative, surtout que le projet était clairement envisagé comme une distribution Linux plutôt qu’un système entièrement développé de zéro.

2016 : Le débat sur l’OS souverain et la vision de Delphine Batho

En 2016, la députée française Delphine Batho a défendu l’idée d’un OS souverain, soulignant l’importance de construire sur une base open source solide, comme Linux, plutôt que de créer un système entièrement nouveau. Batho a imaginé un OS démocratique et souverain qui formerait la base d’un écosystème numérique mutualisé et collaboratif, accessible et fiable tant pour les citoyens que pour les entreprises. Elle a plaidé pour que la France se concentre sur trois priorités :

  1. Protection des libertés individuelles : Un OS souverain pourrait protéger les libertés personnelles contre les infrastructures technologiques contrôlées par des acteurs étrangers, souvent opaques quant à l’utilisation des données.

  2. Sécurité nationale : Batho a mis en avant l’importance d’une infrastructure numérique autonome qui réduirait la dépendance de la France vis-à-vis des systèmes logiciels étrangers.

  3. Autonomie économique : Elle s’est inquiétée de la domination des monopoles technologiques mondiaux, avertissant que sans une infrastructure numérique souveraine, la France et l’Europe resteraient vulnérables au siphonnage économique provoqué par les géants du big data opérant sous des lois étrangères.

L’approche de Batho soulignait les avantages de l’utilisation de logiciels open source, plaidant pour la transparence, l’adaptabilité et la confiance collective. Un OS souverain basé sur Linux pourrait permettre à la France de fonctionner de manière autonome tout en restant ouvert à un développement collaboratif, une alternative pragmatique à la dépendance totale aux technologies étrangères.

Critiques et scepticisme : une opportunité manquée pour un dialogue constructif

La proposition de 2016 a été accueillie avec une résistance notable de la part de certains technologues et défenseurs des libertés numériques. Ils l’ont considérée ambitieuse mais irréaliste, arguant qu’un projet de cette ampleur nécessiterait des ressources comparables à celles des grandes entreprises technologiques. D’autres se sont interrogés sur la capacité de la France à gérer le budget et l’expertise technique nécessaires à un tel projet.

Les critiques craignaient également que l’OS souverain ne soit pas adopté par le public, redoutant qu’il puisse servir de vecteur de surveillance étatique. Le manque de clarté autour de l’objectif final du projet, qu’il s’agisse de la protection de la vie privée des citoyens ou d’une surveillance gouvernementale, a poussé certains à le considérer comme un slogan politique sans fondement technique. Malheureusement, cette réaction a négligé l’intention claire d’adapter Linux plutôt que de créer un OS à partir de zéro. Beaucoup de critiques ont manqué une occasion de mettre en avant les aspects positifs d’un OS souverain, notamment la possibilité de s’appuyer sur des projets open source réussis comme Debian ou Replicant, une option techniquement réalisable et alignée sur l’intérêt public.

L’exemple de Mandrakesoft/Mandriva : une opportunité manquée pour la souveraineté numérique

L’ambition de la France pour un OS souverain n’est pas sans précédent. La montée et la chute de Mandrakesoft, devenue ensuite Mandriva, constituent un avertissement. En tant que distribution Linux pionnière en France, Mandriva a démontré le potentiel d’un écosystème open source prospère mais a fini par faire faillite, en partie à cause d’un manque de soutien gouvernemental constant. Si Mandriva avait reçu le soutien dont elle avait besoin, elle aurait pu fournir une base solide pour un projet d’OS souverain et une communauté open source locale. Cette occasion manquée souligne l’importance d’un investissement soutenu dans les initiatives open source locales, qui sont essentielles pour parvenir à une souveraineté numérique à long terme.

Une perspective constructive : plaidoyer pour une approche pragmatique de la souveraineté numérique

Malgré les critiques passées, un OS souverain reste une voie viable pour la France afin de renforcer son autonomie numérique et ses protections de la vie privée. Lorsqu’elle est formulée de manière constructive, cette initiative s’aligne avec les objectifs européens plus larges en matière de souveraineté numérique, de contrôle des données et de sécurité nationale.

  1. S’appuyer sur les solutions open source existantes : En s’appuyant sur des distributions Linux établies comme Debian ou Replicant, la France pourrait personnaliser un OS souverain conforme aux standards de sécurité et aux lois sur la vie privée sans encourir les coûts des logiciels propriétaires. Cette approche offre une voie économiquement viable pour garantir la souveraineté numérique.

  2. Promouvoir la transparence et la collaboration : Un OS open source favorise la transparence, permettant aux citoyens et experts d’inspecter et d’améliorer le code, construisant ainsi une confiance publique dans le système. Les projets open source favorisent l’adaptabilité, permettant de réagir rapidement aux nouveaux défis de cybersécurité sans compromettre la vie privée des utilisateurs.

  3. Impact économique et éducatif : L’adoption d’un OS souverain open source stimulerait le secteur technologique local, créant des opportunités d’emploi et renforçant les compétences en TI. Un accent sur l’open source dans l’administration publique pourrait réaffecter les coûts de licence pour encourager l’innovation et soutenir le développement de l’expertise en informatique en France, contribuant à une économie numérique résiliente et autonome.

  4. Alignement avec les objectifs européens de souveraineté numérique : Les ambitions de la France pour un OS souverain s’alignent étroitement avec les objectifs de l’UE, tels que l’initiative EU-Linux. Une approche européenne coopérative en matière de souveraineté numérique permettrait de mutualiser les ressources et de créer un cadre numérique unifié capable de contrebalancer l’influence des géants technologiques non européens.

Un élan renouvelé : la proposition de l’OS souverain en 2023

En 2023, l’appel pour un OS souverain français a refait surface face à des préoccupations croissantes concernant la confidentialité des données et l’autonomie numérique. Les sénateurs Pierre Ouzoulias et Marie-Noëlle Lienemann ont proposé un plan d’action rigoureux, appelant le gouvernement à développer et déployer un système d’exploitation national pour les administrations publiques, des ordinateurs aux smartphones, dans l’année suivant l’adoption de la législation. La proposition mettait en avant :

  • Une portée étendue : L’OS s’appliquerait à tous les appareils d’administration publique, assurant la souveraineté sur les données gérées par les agents publics. Avec une part de marché de 93 % pour les options américaines (Windows, macOS, Chrome OS) sur les ordinateurs et de près de 99 % pour Android et iOS sur les smartphones, le gouvernement français exprimait une inquiétude croissante quant à sa dépendance numérique aux entités étrangères.

  • Renforcement de la souveraineté et de la sécurité : Les sénateurs ont souligné que les alternatives actuelles ne répondaient pas aux exigences de confidentialité pour le travail public. L’adoption généralisée d’un OS indépendant réduirait les risques liés à la collecte de données et à la surveillance par des tiers.

Conclusion : une initiative européenne pour un OS souverain basé sur Linux

L’histoire de l’ambition de la France pour un OS souverain révèle la nécessité d’une stratégie pragmatique fondée sur la transparence et la collaboration. En tirant les leçons des efforts passés, y compris les réussites et les revers comme l’histoire de Mandriva, il est clair qu’une initiative soutenue par l’UE pour développer un OS basé sur Linux pour l’administration publique, englobant les ordinateurs et les appareils mobiles, devrait être sérieusement envisagée et initiée.

Cette initiative pourrait s’appuyer sur les technologies open source basées sur Linux, exploitant la flexibilité de l’open source pour créer un écosystème sécurisé et axé sur la confidentialité, capable d’évoluer en fonction des exigences de sécurité et d’interopérabilité. Une approche coopérative européenne assurerait des ressources mutualisées, une innovation accrue et une conformité avec les standards réglementaires partagés, tels que le RGPD. En travaillant au sein de la communauté open source, l’UE pourrait personnaliser un OS conforme aux besoins de sécurité nationale, favorisant la souveraineté numérique et la confiance du public grâce à la transparence totale du code.

Cette stratégie est non seulement réalisable mais également avantageuse pour les États membres de l’UE. Par une implication constructive et un investissement coordonné, un OS souverain européen pourrait renforcer l’indépendance et la résilience numérique sur tout le continent. Ce projet établirait un système pratique, sécurisé et ouvert qui consolide le rôle de l’Europe dans le monde numérique, constituant un modèle d’autonomie, de transparence et d’innovation pour les citoyens et les gouvernements.

Annexe: Initiatives similaires

Plusieurs initiatives ont poursuivi des objectifs similaires à ceux de l'« EU-Linux » proposé, en développant des systèmes d'exploitation open source adaptés pour une utilisation gouvernementale afin de renforcer la souveraineté numérique et réduire la dépendance aux technologies étrangères. Voici quelques exemples notables :

  1. LiMux (Allemagne) : Lancé par la ville de Munich, le projet LiMux visait à migrer les systèmes d’administration publique de Windows vers un OS basé sur Linux afin d’augmenter le contrôle sur l’infrastructure IT et de réduire les coûts. Bien que le projet ait rencontré un succès initial, il a dû faire face à un lobbying politique intense de la part de Microsoft, conduisant à un retour partiel à Windows. Voir aussi The rise and fall of Limux, LWN, 2017.

  2. Astra Linux (Russie) : Développé pour répondre aux exigences de sécurité des institutions d’État russes, Astra Linux est certifié pour la gestion d’informations classifiées et met l’accent sur la cybersécurité et la conformité. Il est largement déployé dans diverses agences gouvernementales russes. Pour plus de détails sur la stratégie russe, voir Marie-Gabrielle Bertran, La place des logiciels libres et open source dans les nouvelles politiques du numérique en Russie, Herodote, 2020.

  3. Ubuntu Kylin (Chine) : Résultant d’une collaboration entre Canonical et le gouvernement chinois, Ubuntu Kylin est une version officielle d’Ubuntu, conçue pour répondre aux besoins des utilisateurs et des administrations chinoises, avec pour objectif de réduire la dépendance aux systèmes d'exploitation étrangers.

  4. BOSS Linux (Inde) : Le projet Bharat Operating System Solutions (BOSS) Linux est développé par le Centre national des ressources pour les logiciels libres et open source de l’Inde pour une utilisation publique et éducative, en mettant l’accent sur la souveraineté des données et le support multilingue. Il est déployé dans plusieurs ministères et institutions éducatives en Inde. Voir aussi: National Resource Centre for Free/Open Source Software (NRCFOSS).

  5. Guadalinex (Espagne) : Développée par le gouvernement régional d’Andalousie, Guadalinex est une distribution Linux destinée à être utilisée dans les écoles publiques et les bureaux gouvernementaux pour réduire les coûts et promouvoir les logiciels open source. Elle est largement utilisée dans les établissements éducatifs d’Andalousie.

  6. GendBuntu (France) : GendBuntu est une version d’Ubuntu adaptée pour la Gendarmerie nationale française. Depuis 2005, la Gendarmerie utilise des logiciels open source, notamment la suite bureautique OpenOffice.org, en adoptant le format OpenDocument (.odf) comme norme nationale. Plus de détails dans cette présentation du Colonel Xavier Guimard: Logiciels libres : Retour d'expérience sur une migration à grande échelle dans la gendarmerie nationale française (2014) et cette interview du lieutenant-colonel Stéphane Dumond par l'APRIL (2019).

Ces initiatives montrent la faisabilité de la mise en œuvre de systèmes d'exploitation souverains basés sur Linux, adaptés aux besoins spécifiques des gouvernements, et mettent en évidence l'impact positif que de telles initiatives peuvent avoir sur la souveraineté numérique et la cybersécurité.

Anexe: Focus sur GendBuntu - migration vers le logiciel libre au sein de la Gendarmerie nationale française

Sur la base de la présentation et de l'interview sus-mentionnées, on peut tire les enseignements suivants de l'expérience de la Gendarmerie nationale française avec GendBuntu :

La migration de la Gendarmerie nationale française vers les logiciels libres constitue l’un des exemples les plus significatifs d’adoption de solutions open source à grande échelle en Europe. Lancée dans les années 2000, cette transition illustre une combinaison de pragmatisme stratégique, d’innovation technologique et de gestion rigoureuse des ressources publiques.

Contexte et enjeux initiaux

Au début des années 2000, la Gendarmerie a été confrontée à des contraintes budgétaires majeures, liées à une nécessaire extension de son infrastructure informatique pour connecter 4300 sites distants et 100 000 utilisateurs, un saut d’échelle qui aurait engendré des coûts exponentiels avec des solutions propriétaires. Face à cette situation, trois éléments ont convergé pour amorcer le virage vers le logiciel libre : la nécessité de réduire les coûts, la volonté de restaurer une souveraineté technologique en évitant les dépendances critiques, et le soutien stratégique de la hiérarchie, essentiel à la continuité et au succès d’un projet d’une telle envergure.

Approche stratégique et méthodologique

La Gendarmerie a opté pour une migration progressive et structurée. Plutôt que de commencer par le poste de travail, elle s’est d’abord concentrée sur le back-office, avec une adoption rapide de serveurs sous Debian et d’outils comme MySQL et PostgreSQL. Ce choix a permis de tester et valider les capacités du logiciel libre tout en posant les bases d’une infrastructure centralisée.

Sur le poste de travail, la transition a été méthodique : avant de changer de système d’exploitation, la Gendarmerie a migré ses applications critiques vers des alternatives libres et standards. Firefox, Thunderbird, OpenOffice, puis LibreOffice ont été adoptés progressivement, accompagnés par des apports fonctionnels significatifs, comme l’accès Internet ou des services de messagerie pour tous les agents. Cette démarche a permis de réduire progressivement les dépendances à l’écosystème Windows.

La migration vers Linux (via une distribution dérivée d’Ubuntu, baptisée GendBuntu) a été amorcée en 2008, avec un souci d’ergonomie pour limiter les perturbations : l’interface et les outils ont été adaptés pour imiter autant que possible l’environnement Windows. L’acceptation par les utilisateurs a été facilitée par une formation minimale, des outils de support interne, et la prise en compte des besoins spécifiques comme les normes d’accessibilité.

Pourquoi Gendbuntu?

La Gendarmerie nationale a choisi de développer sa propre variante d'Ubuntu, baptisée GendBuntu, pour répondre à plusieurs besoins spécifiques et stratégiques qui ne pouvaient pas être satisfaits en utilisant directement Ubuntu. Voici les principales raisons :

  • Personnalisation de l’interface utilisateur : GendBuntu a été conçu pour ressembler autant que possible à l’environnement Windows utilisé précédemment, afin de minimiser les perturbations pour les utilisateurs. Par exemple, une barre des tâches similaire à celle de Windows a été ajoutée, et les outils intégrés ont été configurés pour offrir un rendu visuel et fonctionnel familier.
  • Simplification des usages : Certaines fonctionnalités et outils inutiles ou superflus dans le contexte de la Gendarmerie ont été supprimés pour alléger le système et le rendre plus efficace pour les tâches spécifiques des agents.
  • Contrôle total sur les mises à jour : En développant une variante spécifique, la Gendarmerie a pu intégrer ses propres politiques de sécurité, notamment en termes de configuration, de mise à jour, et de gestion des correctifs. Cela permet de réduire les risques liés à des modifications externes ou des dépendances à des décisions prises par Canonical (éditeur d’Ubuntu).
  • Intégration aux infrastructures de la Gendarmerie : Les systèmes informatiques de la Gendarmerie ont des exigences uniques, comme la compatibilité avec des logiciels métiers spécifiques, des bases de données et des systèmes d’authentification centralisés. GendBuntu a été conçu pour être parfaitement interopérable avec ces infrastructures existantes.
  • Support des matériels spécifiques : Certains matériels, comme des systèmes radio ou des dispositifs de communication sécurisée, nécessitent des pilotes ou des configurations particulières qui ne sont pas inclus dans une version standard d’Ubuntu.
  • Réduction de la dépendance vis-à-vis de Canonical : Bien qu’Ubuntu soit libre, sa gestion reste influencée par Canonical, une entreprise privée. En créant GendBuntu, la Gendarmerie conserve un contrôle total sur l’évolution et le cycle de vie de son système, évitant toute contrainte imposée par un tiers.
  • Flexibilité dans les choix technologiques : GendBuntu permet d’introduire ou de retirer des composants spécifiques sans attendre les décisions d’un éditeur externe, assurant une totale autonomie technologique.
  • Homogénéité et industrialisation : GendBuntu est optimisé pour être déployé sur les 80 000 postes informatiques de la Gendarmerie, avec des outils de gestion centralisée spécifiques, comme OCS Inventory et des scripts de configuration adaptés.
  • Stabilité et support de long terme : La Gendarmerie a basé GendBuntu sur les versions LTS (Long Term Support) d’Ubuntu, tout en ajoutant ses propres correctifs et fonctionnalités pour garantir une stabilité maximale sur de longues périodes, essentielle pour un environnement critique comme celui des forces de l’ordre.

Résultats obtenus

  1. Réduction des coûts : La Gendarmerie a économisé deux millions d’euros par an en licences logicielles, en plus des économies réalisées sur les coûts humains grâce à la centralisation de l’administration des systèmes.
  2. Souveraineté accrue : En adoptant des standards ouverts et en contribuant activement aux communautés open source (notamment via des outils comme LemonLDAP ou OCS Inventory), la Gendarmerie a renforcé son indépendance technologique.
  3. Efficacité opérationnelle : L’administration de 80 000 postes est assurée par seulement trois personnes, grâce à des outils libres de gestion de parc et de télé-déploiement.
  4. Impact durable : Cette transition a non seulement permis à la Gendarmerie de maîtriser ses systèmes mais a également influencé d’autres administrations françaises dans leur adoption des logiciels libres.

Enseignements clés

Le principal enseignement de cette expérience est que le succès d’une migration vers le logiciel libre repose sur la prise en compte des besoins applicatifs avant toute modification du système d’exploitation. En s’assurant que les applications critiques étaient compatibles et en favorisant une adoption progressive et volontaire des solutions libres, la Gendarmerie a évité les résistances internes et les ruptures opérationnelles.

De plus, l’importance du soutien hiérarchique et d’une gestion centralisée a été mise en avant. Ce cadre a permis de gérer les résistances politiques ou économiques et d’assurer une continuité dans les orientations stratégiques, même sur une période de plusieurs décennies.

Recommandations pour des projets similaires

  1. Prioriser les applications : Centraliser les applications et adopter des standards ouverts avant de migrer le système d’exploitation.
  2. Adopter une approche modulaire : Garantir une interopérabilité maximale grâce au respect des normes et standards libres, permettant de remplacer les composants sans affecter l’ensemble.
  3. Impliquer les utilisateurs : Proposer des apports fonctionnels significatifs à chaque étape pour faciliter l’adoption et réduire les résistances.
  4. Soutenir les communautés : Contribuer aux projets open source utilisés, non seulement pour renforcer leur robustesse, mais aussi pour bénéficier des innovations futures.

Annexe: Références additionnelles

  • Une prise de conscience croissante du besoin de souveraineté numérique en Europe (même si derrière ce terme se trouvent des idées assez hétérogènes).
  • Le lien entre souveraineté numérique et Open Source n'est plus à démontrer et se concrétise en Allemagne par la Sovereign Tech Agency (ex. Sovereign Tech Fund ) qui finance des éléments clefs du poste de travail Linux comme Gnome [1].
  • La France, via la Dinum notamment, s'insère dans la même dynamique [2]
  • Pour les pays dont les relations avec les USA sont tendues, cette orientation est encore plus forte [3] et se concrétise clairement au niveau de l'OS du poste de travail [4]. (note : après l'élection de Trump, la situation de l'Europe vis-à-vis des USA risque de se tendre également un peu, même si pas au même niveau)
  • En termes de fonctionnalités et d'ergonomie, le poste de travail Linux est largement à la hauteur de Windows (et paradoxalement a toujours été en avance : cf. les bureaux virtuels en 1999 dans Gnome et dans Windows uniquement avec la version 10)
  • L'adoption niveau mondial augmente lentement mais régulièrement [5] et pour certains profils (dev, data scientist), elle est très significative [6]
  • La faible adoption n'est pas liée à des lacunes du pdt Linux en lui-même, mais :
    • au niveau du grand public : la vente liée illégale matériel / logiciel (l'entrée en vigueur du DMA pourrait changer les choses)
    • au niveau des grandes organisations : les adhérences applicatives des logiciels développés uniquement pour Windows, provoqués par et entretenant une situation de quasi-monopole. Le développement des applications en mode Web a cependant beaucoup réduit l'impact de cet aspect.
    • au niveau matériel, il y a aussi un mouvement vers une meilleure compatibilité Linux, même chez les constructeurs les plus récalcitrants, comme Nvidia
  • Les nouvelles exigences de Windows 11 en termes de matériel (TPM 2.0 obligatoire, notamment) vont entraîner une obsolescence artificielle (pour rappel, Linux supporte très bien TPM 2.0, mais laisse à l'utilisateur le choix de l'utiliser ou non)
  • Les systèmes de montée de version des distributions Linux, similaires aux systèmes de mise à jour, rendent les migrations d'une version à l'autre beaucoup moins coûteuses en termes d'effort (théorie vérifiée sur le terrain avec l'expérience de la Gendarmerie - je ne sais pas si ceci peut être dit publiquement). Microsoft tend vers cette solution, mais ils n'y sont pas encore [7]
  • L'adoption d'une distribution Linux n'enchaîne pas à un éditeur en particulier : il existe aussi de nombreux outils cross-distributions et migrer d'une distribution à une autre est techniquement simple (comparé à une migration hors de Windows vers n'importe quel autre système).
  • Des organisations publiques [8] et privées[9] commencent à se saisir de ces opportunités : une nouvelle vague qui s'appuie notamment sur les nombreux échecs et quelques réussites passées.

Annexe: Réponses aux principales objections

"Mais qu’est-ce que la souveraineté numérique ?"

En 2018, le Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité Nationale (SGDSN) avait défini la souveraineté numérique comme une autonomie stratégique, permettant à un État de conserver une capacité d’appréciation, de décision et d’action dans l’espace numérique, sans pour autant chercher à tout produire en interne.

Le lien entre souveraineté numérique et logiciel libre est évident depuis les années 1990. Ces arguments ont été repris par le SGDSN :

« Une stratégie industrielle basée sur l’open source, sous réserve qu’elle s'inscrive dans une démarche commerciale réfléchie, peut permettre aux industriels français ou européens de gagner des parts de marché où ils sont aujourd’hui absents, et par là même de permettre à la France et à l’Union européenne de reconquérir de la souveraineté. »

EU Linux s’inscrit précisément dans cette logique : un projet pensé pour être pragmatique, stratégique, et économique, tout en renforçant l’autonomie numérique de l’Europe.

"Une distribution Linux de plus ne changera rien à la souveraineté numérique"

Il ne s'agit pas simplement de créer "une distribution de plus". L'objectif d'EU Linux est de construire une brique stratégique mutualisée, alignée sur les priorités européennes. Contrairement à une initiative isolée, EU Linux serait :

  • Industrialisé à l’échelle européenne : Un projet coordonné par l’UE, utilisant une ou des distributions existantes comme base, et personnalisé pour répondre aux besoins spécifiques des administrations publiques (sécurité, conformité aux réglementation européennes, interopérabilité).
  • Soutenu par une gouvernance européenne : Les décisions techniques et stratégiques seraient prises en Europe, garantissant une indépendance face à des intérêts extérieurs.
  • Un socle commun pour mutualiser les efforts : Au lieu que chaque État investisse de manière isolée dans ses solutions, EU Linux offrirait une plateforme partagée, réduisant les coûts et accélérant les déploiements.

Ce n'est pas "réinventer la roue", mais reprendre le contrôle sur une brique technologique fondamentale.

"Les américains ne bloqueront jamais l’accès au marché européen pour leurs logiciels"

Les exemples récents montrent que la dépendance aux solutions étrangères n'est pas qu'une question de blocage direct :

  • Risques géopolitiques : Les embargos imposés à Huawei ou la Russie ont montré que l’accès à certaines technologies peut être utilisé comme un levier diplomatique ou économique. Notons qu'au niveau des systèmes d'exploitation, les principales super-puissances en conflit avec les États-Unis, comme la Chine et la Russie, ont précisément développé des projets pour s'affranchir de leur dépendance. La Chine a mis en place KylinOS, basé sur Linux, pour ses administrations, et la Russie utilise Astra Linux, conçu pour répondre à ses besoins sécuritaires nationaux. Ces initiatives illustrent que la souveraineté numérique passe souvent (mais, évidemment, pas seulement) par la maîtrise des OS, le socle des infrastructures informatiques critiques. Pour une étude détaillée de la stratégie russe, cf. Marie-Gabrielle Bertran, La place des logiciels libres et open source dans les nouvelles politiques du numérique en Russie, Herodote, 2020.
  • Augmentation des coûts : Le cas Broadcom, imposant une taxe implicite de 15 milliards d’euros via VMware, illustre que les monopoles technologiques peuvent imposer des hausses de coûts sans alternatives viables. Ces augmentations, souvent imprévisibles, mettent en lumière la fragilité économique des dépendances envers des solutions propriétaires, en particulier lorsqu'elle sont en situation de monopole ou quand les coûts de sortie sont élevés.
  • Risque de restriction indirecte : Même sans blocage officiel, la simple dépendance à des technologies non contrôlées par l’Europe expose les États à des restrictions techniques ou commerciales imposées par des fournisseurs étrangers sous pression légale ou géopolitique (exemple : lois américaines comme le Cloud Act, qui donnent accès aux données hébergées par des entreprises américaines ou ayant un intérêt économique aux USA, quel que soit leur lieu de stockage).

EU Linux ne prétend pas éliminer ces risques immédiatement, mais il crée une alternative européenne crédible. En établissant une infrastructure numérique indépendante et interopérable, EU Linux offrirait une solution capable de réduire progressivement la dépendance et de négocier d’une position de force face aux géants technologiques. Cela renforcerait également la capacité des États européens à protéger leurs données sensibles et leurs infrastructures critiques.

"Il faudrait vérifier tout le code, pas seulement l'OS"

C’est exact : sécuriser une infrastructure numérique complète nécessite une vérification au-delà de l’OS. Cependant, l’OS est le socle de toute infrastructure numérique. Sans une maîtrise complète de cet élément central, il est impossible d’assurer une chaîne de confiance cohérente. EU Linux contribuerait à cette démarche en adoptant un modèle fondé sur la transparence, qui dépasse la simple notion de confiance, et en mettant en œuvre les actions suivantes :

  • Créer une chaîne de transparence européenne : Plutôt que de se fier à des acteurs externes ou à des certifications opaques, EU Linux intégrerait des audits réguliers et collaboratifs pour les composants critiques (noyau Linux, logiciels de base, bibliothèques). Cela permettrait une validation publique et reproductible des éléments essentiels.
  • Fournir un cadre standardisé et transparent : Mutualiser les efforts pour valider les solutions utilisées par les administrations publiques, tout en garantissant que les méthodologies, outils et résultats d’audit soient accessibles. Cela faciliterait la coopération avec les communautés open source et renforcerait la confiance des utilisateurs.
  • Prioriser les enjeux stratégiques : Renforcer les algorithmes de chiffrement, les mécanismes de mise à jour sécurisés, et d’autres composants essentiels, tout en assurant que ces améliorations soient visibles, reproductibles et soumises à des audits indépendants.

En combinant audits communautaires ouverts et structures dédiées financées par l’UE, EU Linux poserait les bases d’une souveraineté numérique étendue. Par exemple, le projet FOSSEPS montre comment une approche coordonnée peut encourager la transparence dans le développement et l’évaluation des logiciels libres critiques.

Note: transparence vs confiance

La transparence est un principe fondamental pour garantir l’intégrité et la sécurité des systèmes numériques, en particulier dans un contexte où la "confiance aveugle" envers des technologies étrangères peut être exploitée ou mal placée. La transparence est préférable à la simple confiance dans la gestion des infrastructures numériques européennes :

  • Réduction des dépendances stratégiques : Le "numérique de confiance" repose souvent sur des certifications ou des accords entre parties, mais il n’élimine pas le risque d’accès non autorisé par un État tiers. La transparence garantit que les systèmes peuvent être inspectés et contrôlés par des entités européennes, sans interférence extérieure.
  • Limitation des vulnérabilités systémiques : En favorisant des solutions opaques ou centralisées (comme des clouds hyperscalers non européens), la "confiance" crée un risque de pannes globales et fragilise l’écosystème. La transparence favorise des solutions distribuées, auditées et résilientes.
  • Autonomie industrielle renforcée : La transparence permet à des acteurs européens de contribuer activement au développement, à l’audit et à l’amélioration des technologies, favorisant ainsi un écosystème local et durable. Elle encourage aussi l’innovation en garantissant des processus reproductibles et vérifiables.
  • Accès démocratique à la sécurité : Dans un système transparent, la sécurité n’est pas un secret détenu par un petit nombre d’acteurs. Elle devient un bien commun, accessible aux gouvernements, aux entreprises et aux citoyens.

EU Linux incarnerait cette vision de transparence, notamment en :

  1. Rendant public tout le code et les modifications apportées : Chaque mise à jour ou changement dans le système serait documenté et ouvert à l’audit.
  2. Adoptant des outils de validation reproductibles : Par exemple, des outils comme Reproducible Builds garantiraient que tout utilisateur puisse vérifier qu’un binaire correspond exactement au code source.
  3. Facilitant les audits participatifs : En impliquant des experts indépendants et des communautés open source européennes, les validations ne dépendraient pas uniquement d’acteurs commerciaux ou institutionnels.
  4. Centralisant les ressources éducatives et méthodologiques : En rendant accessible à tous une documentation claire sur les processus d’audit et les bonnes pratiques de sécurité.

"Le poste de travail n’est plus central dans l’ère du cloud"

Certes, la plupart des applications métiers et une grosse partie des applicatifs génériques sont maintenant des applications web, et c'est d'ailleurs un phénomène qui rend la migration plus facile qu'il y a 10 ou 20 ans. Cependant :

  • Le poste de travail reste indispensable : Les administrations publiques, notamment, utilisent encore des ordinateurs pour des tâches critiques. Sans un OS souverain, ces postes restent vulnérables.
  • EU Linux pourrait intégrer une approche hybride : Inspiré de ChromeOS ou ses variantes libres(ex: NayuOS), EU Linux pourrait proposer un environnement léger, optimisé pour les applications web, tout en garantissant une maîtrise totale des infrastructures sous-jacentes.
  • La dépendance au cloud américain est un problème croissant : Même si le cloud est central, utiliser des infrastructures européennes sans OS souverain ne règle qu'une partie du problème.

EU Linux s’adapte à ces évolutions en intégrant des outils modernes et en servant de base pour des solutions cloud souveraines.

"Les échecs passés montrent que c’est une impasse (Mandriva, Cloudwatt, etc.)"

Les échecs comme ceux de Mandriva ou Cloudwatt montrent surtout l'importance d'une vision collective et coordonnée. A contrario, les succès du passé et du présent (Gendbuntu, etc.) montrent que c'est possible. Contrairement à ces initiatives :

  • EU Linux serait une démarche mutualisée : Financé et gouverné par l’Union européenne, il éviterait les écueils des projets isolés ou sous-capitalisés.
  • Une intégration dans l’écosystème open source existant : Plutôt que de partir de zéro, EU Linux s’appuierait sur des bases stables et largement adoptées, avec des contributions en retour à la communauté, et sur l'expérience des initiatives passées.
  • Un soutien politique et économique pérenne : En s’inscrivant dans une stratégie de déploiement à l'échelle européenne, EU Linux bénéficierait d’un financement stable des institutions utilisatrices.

Ces échecs ne doivent donc pas nous freiner, mais nous servir de leçons pour structurer le succès.

"La souveraineté numérique ne se limite pas à l’OS : il faut aussi du capital risque, retenir nos talents, etc."

C'est une critique valide : la souveraineté numérique est un enjeu systémique qui dépasse l'enjeu du système d'exploitation. Cependant, EU Linux peut jouer un rôle clé dans cet écosystème :

  • Stimuler l'innovation locale : En finançant le développement d’EU Linux et ses dérivés, l’UE pourrait créer des opportunités pour les PME européennes spécialisées dans l’open source.
  • Former et retenir les talents : Participer à un projet européen de cette envergure renforcerait l’attractivité de l’Europe pour ses ingénieurs et développeurs.
  • Créer un effet d’entraînement : En démontrant la viabilité de solutions souveraines, EU Linux encouragera d’autres projets technologiques européens (notamment au niveau des applicatifs, du cloud, etc.)

Ce projet ne s’oppose donc pas à des leviers comme le capital-risque ou la rétention des talents. Il en est un catalyseur.


  1. https://www.sovereigntechfund.de/tech/gnome ↩︎

  2. https://www.numerique.gouv.fr/actualites/souverainete-numerique/ et https://www.numerique.gouv.fr/espace-presse/la-france-et-lallemagne-renforcent-ensemble-la-souverainete-numerique-de-ladministration-publique-en-signant-une-declaration-dintention-commune/ ↩︎

  3. Indépendance numérique : que nous apprend la Chine ? https://institut-rousseau.fr/independance-numerique-que-nous-apprend-la-chine/ ↩︎

  4. Linux Deepin 23: A polished distro from China that Western desktops could learn from https://www.theregister.com/2024/08/23/deepin_23/ ↩︎

  5. https://arstechnica.com/gadgets/2024/03/linux-continues-growing-market-share-reaches-4-of-desktops/ ↩︎

  6. https://www.jetbrains.com/lp/devecosystem-2023/development/#os_devenv et https://survey.stackoverflow.co/2024/technology/#1-operating-system ↩︎

  7. https://www.theverge.com/2015/5/7/8568473/windows-10-last-version-of-windows ↩︎

  8. German state gov. ditching Windows for Linux, 30K workers migrating https://arstechnica.com/information-technology/2024/04/german-state-gov-ditching-windows-for-linux-30k-workers-migrating/ ↩︎

  9. Linux as the new developer default at 37signals https://world.hey.com/dhh/linux-as-the-new-developer-default-at-37signals-ef0823b7 ↩︎